Camila Garcia Quijano (Sister promo 3) « Il est important que les grandes entreprises s’approprient une forme de radicalité dont on a besoin »
Publié le 26 April 2023

Aujourd’hui il est impératif de revoir notre façon de produire et de consommer. Pour Camila Garcia Quijano, le changement doit d’abord venir des grandes entreprises. Si elles ne font rien, le monde ne changera pas. Grâce au mouvement B-corp fondé par l’ONG américaine B-Lab, un changement radical par l’action s’opère un peu partout dans le monde. En tant que co-présidente de B-Lab France, Camila est très impliquée dans ce mouvement, elle nous en parle dans cette interview. Elle revient également sur son projet Boot Me, un projet familial qui met en cœur de sa stratégie de développement l’économie circulaire et qui lui a permis d’intégrer l’incubateur Earthship Sisters… Zoom sur cette Sister hyperactive !

Aujourd’hui il est primordial de ralentir la cadence dans le monde de l’industrie. Un mouvement a été créé obligeant de plus en plus les entreprises à prendre leurs responsabilités sociales et environnementales. Peux-tu nous parler du mouvement B-corp dans lequel tu es engagée ?

B-corp est porté par une ONG qui s’appelle B-Lab. Le mouvement est né en 2006 aux Etats-Unis et existe aujourd’hui partout dans le monde. Chaque pays peut avoir son entité B-Lab en fonction de sa prise de conscience et de sa maturité sur ces sujets de responsabilité sociétale et environnementale. B-corp c’est une vision de l’économie équitable, régénératrice et inclusive. B-corp c’est aussi une certification. Mais avant c’est un mouvement à travers une communauté d’entreprises certifiées. Plus de 6000 dans le monde et presque 300 en France. Aujourd’hui quand une entreprise veut rejoindre le mouvement B-corp, elle doit faire un Business Impact Assessment, c’est-à-dire un audit basé sur 200 questions. L’entreprise doit avoir un minimum de 80 points pour être certifiée B-corp. Ce Business Impact Assessment est très large car il va de l’amont à l’aval sur toutes les opérations de l’entreprise. Aujourd’hui dans le mouvement B-corp nous regardons vraiment tous les aspects de l’entreprise. De plus c’est un outil qui évolue car tous les 3 ans il y a une nouvelle version mise à jour en fonction des enjeux sociaux et environnementaux.

Il existe une feuille de route qui a été pensée au niveau de B-Lab Global pour accompagner la théorie du changement avec un vrai plan d’action. Chaque entité est formée pour accompagner correctement les entreprises dans le processus de certification, pour former les personnes qui accompagnent les entreprises dans ce processus de certification, pour mieux travailler avec les territoires, les parties prenantes, pour faire le plaidoyer auprès des institutions gouvernementales etc… Chaque pays reprend cette grande feuille de route et se l’approprie en coordination avec une équipe opérationnelle et le conseil d’administration.

B-Lab Global est en train de changer complètement le BIA (Business Impact Assessment) avec une nouvelle version prévue pour 2024 avec un focus sur des thématiques principales comme le changement climatique ou les sujets JEDI (justice, equity diversity and inclusion). Des sujets de société devenus primordiaux.

C’est encore un mouvement peu connu au niveau des consommateur·rices en revanche il est très connu par les entreprises. C’est leur job ensuite de faire connaître le mouvement à leurs consommateur·rices.  Aujourd’hui les entreprises viennent à nous car elles ont envie de rejoindre le mouvement B-corp et d’être certifiées. En France entre 2020 et 2021 on a eu une augmentation de 40% d’entreprises certifiées.

Quelle est la vision de B-corp pour l’économie future ?

La vision de B-corp c’est de dire que chaque entreprise peut faire du profit, c’est même important et nécessaire, mais peut aussi avoir un impact sociétal et environnemental positif. Cette vision incite les entreprises à passer d’une économie très capitaliste, tournée vers les actionnaires et très extractive quand on parle des ressources, à une économie plus partagée avec l’ensemble des parties prenantes internes et externes. Une économie inclusive et tournée vers la protection des ressources naturelles.

Peux-tu nous raconter ton combat pour amorcer un changement radical au sein des entreprises ?

Pour moi c’est important dans ma vie professionnelle comme personnelle d’agir au quotidien pour faire avancer les business. Très vite je me suis rendue compte qu’au niveau des associations, où certes tu peux faire des choses, le grand changement s’opère au sein des grandes entreprises. C’est même devenu absolument nécessaire. C’est-à-dire qu’aujourd’hui si les entreprises ne bougent pas, les choses ne changeront pas. J’ai fait le choix de donner de mon énergie dans des grandes entreprises, d’abord en Colombie pendant plusieurs années, notamment dans le secteur agricole. Puis quand je suis venue m’installer en France j’avais toujours cette même devise : changer les entreprises par l’intérieur pour faire bouger les choses.

Pour nous (Thomas Breuzard et moi-même, les deux coprésidents de B-Lab France) cette notion de radicalité est très importante. Aujourd’hui nous ne sommes plus uniquement dans le discours mais vraiment dans l’action. Il faut vraiment que les entreprises s’approprient le sujet pour mettre en place un modèle à impact beaucoup plus fort avec des résultats concrets et rapides. Tout du moins sur la partie sociétale et environnementale. Il est important que les grandes entreprises s’approprient une forme de radicalité dont on a besoin.

Je me suis énormément investie d’un point de vue personnel et professionnel dans le mouvement B-corp. J’ai d’ailleurs permis à Danone, entreprise dans laquelle j’ai travaillé pendant 17 ans, d’être aujourd’hui la plus grande entreprise certifiée B-corp dans le monde. 

Amandine Cassi

Depuis l’été 2022, je suis rentrée dans le conseil administratif de B-Lab France et j’ai été élue pour représenter les multinationales. Je suis aussi devenue coprésidente de ce mouvement en France. Je suis porte-parole du mouvement, pour le faire connaître, et faire avancer cette feuille de route sur la vision qu’on a de l’économie de demain. 

En parallèle de cette mission très prenante, tu as intégré l’incubateur Earthship Sisters avec un tout autre projet, peux-tu nous parler de Boot Me ?

Je considère qu’un·e consommateur·rice vote pour le monde dans lequel il veut vivre quand il achète quelque chose. Que ce soient des habits, de la nourriture ou tout type d’objet. Je suis ce genre de consommatrice qui fait très attention à la provenance du produit, à la provenance des matières premières, à la main d’œuvre etc… Mon projet est né du constat qu’acheter des bottes de pluie pour enfant c’est très compliqué. Lorsque ma fille avait 1 an j’ai dû faire une étude de marché pendant 3 mois pour l’achat de ses premières bottes de pluie et je me suis rendue compte qu’il n’existait pas de bottes éco conçue ou du moins éco responsable à mon sens. A l’époque, je me suis dit que ça pourrait être une belle idée de projet. Puis la rencontre avec Earthship Sisters a refait naître ce projet 7 ans plus tard.

Peux-tu nous raconter ta rencontre avec Earthship Sisters ?

Comme je disais j’ai toujours eu un parcours très cohérent, avec une clarté absolue sur le fait que je voulais transformer les entreprises de l’intérieur. Et je suis très à l’aise là-dedans. Mais toutefois il y a quelque chose qui m’a toujours manqué, c’est que je suis passionnée par l’océan. Je nage beaucoup, je fais de la plongée, j’ai besoin d’être proche de l’océan, c’est ma source d’énergie et de bien-être. Mais à côté de ça, je n’avais pas de réponse à la question : Comment faire un lien avec ce que je fais au quotidien d’un point de vue professionnel et ma passion pour pouvoir protéger l’océan ? Ce que j’ai tout de suite aimé chez Earthship Sisters c’est qu’on vous donne les moyens d’agir. Ce qui a été très difficile pour moi chez Earthship Sisters, et je crois être la seule dans ce cas, c’est que j’ai continué mon activité professionnelle à côté, cumulée en plus avec ma vie de famille. C’était donc un rythme très soutenu pendant 9 mois. En revanche, ce que je savais c’est qu’Earthship Sisters pouvait m’aider à développer le côté leadership féminin en lien avec la mer. J’ai pu avancer d’un point de vue développement personnel également, notamment avec la navigation du mois de juin mais aussi avec la rencontre des autres Sisters. Des femmes absolument incroyables avec qui j’ai tissé des liens très forts. Concernant mon projet, j’ai avancé dans ma réflexion. Puis dans le cadre d’un partenariat noué par Earthship Sisters, Capgemini Engineering m’a beaucoup apporté notamment sur la partie technique. Certes je n’ai pas sorti de prototype avec Capgemini Engineering mais j’ai pu identifier les matériaux qui étaient possibles d’utiliser pour construire ce prototype de bottes. Capgemini Engineering m’a aussi aidé à faire les ACV (analyse de cycle de vie) sur les différents types de matériaux. Je vais pouvoir appuyer mon histoire autour de cette botte et de sa communauté avec des données fiables et scientifiques. J’ai également un mari entrepreneur qui croit beaucoup en ce projet et qui pourrait se libérer du temps pour pouvoir m’aider. J’adore cette idée d’entreprise familiale, qui raconte une histoire, je trouve ça fantastique.

Avant de se quitter, peux-tu nous parler de l’économie circulaire dans laquelle tu veux faire grandir ton projet ?

Je suis convaincue que n’importe quelle entreprise (start up ou entreprise du CAC 40) n’a plus le choix que de travailler autour de l’économie circulaire désormais. On doit arrêter avec cette notion d’économie linéaire, on prend les ressources, on produit, on jette. Ça n’a absolument aucun sens. Moi depuis le début ce que j’aimerais, c’est avoir une botte issue de l’économie circulaire. J’aimerais utiliser que des déchets, des matériaux déjà existants. Aujourd’hui la définition de l’économie circulaire c’est d’être capable de construire un produit à l’aide de ressources déjà existantes sans aller dans la notion d’extraction. Comment un déchet devient une ressource. Je vais même plus loin dans la réflexion j’aimerais, une fois la botte plus utilisée car l’enfant a grandi, permettre aux familles de renvoyer la paire de bottes pour que nous puissions la réadapter pour un autre enfant ou réutiliser les matériaux de cette botte pour la remettre dans l’économie circulaire d’un produit. C’est ça aussi que je prône au sein de mon boulot au quotidien. Cette notion de réutilisation des déchets.

Propos recueillis par Alice Bernaud 

 

Pour en savoir plus

Sur le programme des Sisters – ici
Sur la promo 3 – ici

 

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