Le tourisme a beaucoup évolué ces dernières années. Entre le covid et la prise de conscience écologique, les professionnels du tourisme ont vu leur activité se transformer. Véronique Narayana Swamy faisait déjà depuis plus de 20 ans du tourisme durable sans poser de mots sur sa pratique. Aujourd’hui elle a quitté la jungle urbaine de Delhi en Inde pour être davantage en accord avec ses valeurs dans la jungle rurale de Wayanad au Kerala. Zoom sur son projet de tourisme durable et présentation de cette femme de conviction.
Aujourd’hui le transport aérien est au centre des questions des voyageur·ses. Est-ce que tu sens que les gens voyagent moins pour cette raison ? Que leurs envies ont changé ?
L’inde a rouvert ses frontières sans contrainte sanitaire en décembre 2022. Malgré une conscience écologique en hausse, les gens continuent de voyager. Ils savent très bien que prendre l’avion a une empreinte carbone importante, ils sont conscients de la problématique, mais ils connaissent aussi l’impact de leur voyage responsable une fois dans le pays sur les populations locales. De plus en plus, les voyageur·euses qui prennent l’avion essaient d’amortir leur empreinte carbone, soit en restant plus longtemps sur place, en combinant voyage d’affaires et voyage touristique ou en privilégiant les vols en direct plutôt que les vols avec escale quitte à payer plus cher. Personnellement j’ai souvent à faire à un public averti et hyper pointu sur la situation environnementale. De plus, on remarque que les envies des voyageur.ses une fois dans le pays ont changé. Ils sont demandeur.ses d’activités « low carbone » comme par exemple un tour en Raf de bambou ou une balade à pied. Le tour des campagnes en Jeep n’est plus du tout en vogue.
Comment as-tu développé ton activité de tourisme durable en Inde et auprès des communautés locales. Est-ce que ça a été difficile de rentrer en contact avec elles ?
Je suis venue vivre à Delhi qui est une des mégalopoles les plus polluées du monde. Je vivais dans une jungle de béton. Le covid m’a permis d’acter un changement de vie auquel j’aspirais, vivre dans la vraie jungle à Wayanad dans le Kerala. Le projet Nilaya c’est la création d’un écolieu en lien avec la communauté du territoire, grâce à une mise en valeur du savoir-faire des tribus. Le projet Nilaya est parfaitement en adéquation avec mes valeurs de tourisme responsable. Je ne pouvais pas continuer à promouvoir un tourisme rural en habitant à la ville avec toutes les commodités que ça implique. Je suis à ma place maintenant. J’avais un savoir-faire et ma problématique était de le faire savoir.
Je me suis aperçu que je faisais du tourisme durable depuis des années. J’ai pris le temps d’appréhender l’Iso 26000, de m’approprier une dialectique et une sémantique, qui n’étaient pas forcément miennes et qui en même temps m’ont beaucoup parlé. Je me suis rapidement rendu compte que je travaillais dans le tourisme durable depuis 20 ans et je n’avais pas mis de mot dessus, je n’osais pas revendiquer une pratique qui existait déjà. C’est toujours un peu complexe dans un pays comme l’Inde, c’est difficile de mettre en place un système économique qui va être évolutif. Tu pars d’une petite structure et ton but c’est de la faire grandir. Notre structure comprenait 25 personnes avant le covid mais nous avons préféré soutenir une partie de l’équipe pour être auto-entrepreneurs plutôt que salariés d’une seule entreprise. Nous avons fait de la sobriété sans savoir vraiment que c’était de la sobriété.
En quoi consiste ce lien avec les communautés du territoire ?
C’est souvent difficile de rentrer en contact avec les communautés locales, car nous ne parlons pas la même langue. J’ai dû m’appuyer sur les guides locaux pour créer une relation de confiance. J’explique aux guides ce que je veux et ils me présentent des communautés qui veulent bien partager leur quotidien avec les voyageur.ses de façon naturelle. Il s’agit évidemment d’un travail rémunéré et ainsi nous créons une entente soudée avec ces communautés. Elles m’apprécient et sont satisfaites du travail que nous réalisons.
C’est en accompagnant les voyageur·ses qu’ils peuvent se rendre compte du rapport qui existe avec les communautés. Nous travaillons dans les conditions les plus naturelles possibles tout en proposant aux voyageur·ses des petites attentions (nattes tissées etc). Même si nous prévenons les communautés en amont de la venue des touristes, on ne veut pas qu’ils changent leur quotidien pour autant. On ne veut surtout pas qu’ils s’apprêtent pour l’occasion. Il faut vivre l’instant car ce sont des moments très courts. Notre objectif c’est que les voyageur.ses en rentrant chez eux le soir se disent « waouh », tout comme les communautés tribales qui auront également vécu un moment hors du temps avec les voyageur.ses.
Raconte-nous ta rencontre avec Earthship Sisters ?
Je suis rentrée chez Earthship Sisters avec le projet Nilaya. Il se trouve que dans le cadre de BB voyage qui est mon activité principale depuis 22 ans, nous proposons du tourisme responsable, durable et rural. J’avais besoin de trouver une nouvelle énergie, une dynamique qui me conforte dans l’idée de continuer dans le tourisme responsable. J’étais convaincue de mon projet, mais être seule, au bout du monde en traversant une période difficile, je me suis questionnée sur le sens que je voulais donner à mon projet. Quand le mouvement Earthship Sisters s’est présenté à moi avec son programme je me suis dit, ça c’est pour moi ! J’avais besoin d’un cocon de femmes qui ont envie d’avancer sur la même problématique. Avoir un réseau français où je peux exprimer mes doutes m’a fait beaucoup de bien. La sororité du groupe Earthship m’a offert une connexion professionnelle et une famille de valeur en lien avec la transition écologique.
Earthship Sisters a été un coup de fouet pour moi. Le fait d’être sélectionnée grâce à une candidature vidéo dans laquelle je présentais mon projet a été une belle gratitude. Tout le travail qui a été fait avec les coachs via des sessions de travail à distance pour ma part ont été très bénéfique quand on ne sait pas où on en est. Je retiens aussi la rencontre avec toutes les Sisters et les skippeur.ses pendant la navigation. J’ai vécu tout Earthship Sisters à l’autre bout du monde en visio et puis tout d’un coup tout prend vie en présentiel au mois de Septembre. Earthship Sisters m’a remis sur les rails et m’a redonné confiance. Pour couronner le tout, Deborah Pardo (ndlr présidente du mouvement) apporte la dimension scientifique qui m’a confortée dans ma façon de penser.
Où es-tu rendue dans le développement de ton projet au sein de l’incubateur Earthship Sisters ?
Le projet de l’éco lieu Nilaya existe, il reste 2 mois de travaux. Mais il y a plein de choses que je ne peux pas faire tant que la maison d’hôte n’est pas finie. Par exemple, pour alimenter le site je dois prendre des photos. Le mécénat de compétences avec Capgemini Engineering dont j’ai pu bénéficier au sein d’Earthship Sisters, m’a beaucoup aidé. Cela m’a permis de développer un outil RSE en accord avec l’Iso 26000, et m’a permis d’être leur pilote. J’ai pu recevoir un diagnostic complet sur mes activités. Maintenant je suis en discussion avec une agence de voyage de Nantes pour leur préparer le programme de cet été en « slow tourisme » sur quinze jours. Il est primordial de sortir des sentiers battus mais aussi des hautes saisons touristiques pour pouvoir faire du tourisme responsable. En été par exemple, pour l’Inde on peut proposer le Rajasthan à contre-courant, une possibilité en dehors de la saison vendue par tous les opérateurs.
Propos recueillis par Alice Bernaud
Pour en savoir plus
Sur le programme des Sisters – ici
Si vous souhaitez vous jetez à l’eau – ici
Sur la promo 3 – ici
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